L’instrumentalisation néo-féministe du calvaire de Chahinez

L’horrible sort de Chahinez, cette jeune femme d’origine algérienne battue et immolée par son mari en pleine rue de Mérignac donne lieu, depuis le drame, à une nouvelle campagne opportuniste contre le fléau des féminicides. Sauf que ce mot écrase de son simplisme idéologique une réalité complexe, et éloigne des vrais remèdes à apporter aux violences.

Chahinez, jeune Algérienne, avait accepté le mariage et suivi Mounir B. en France, il y a cinq ans, dans l’espoir d’une vie meilleure. Ensemble, ils ont eu un enfant après deux plus grands qu’elle avait eus d’un premier mariage, tous bien intégrés dans leur quartier. Elle travaillait comme employée de mairie, lui comme maçon. Elle avait obtenu, par son mariage, la nationalité française et de l’avis de son entourage, « voulait vivre comme une Française ».

L’Algérienne Chahinez était certainement une « chance pour la France » mais le Français Mounir ne l’entendait pas ainsi.

Cependant, « elle n’était pas très libre, elle voulait sortir dans les cafés et mettre des jeans, mais lui ne voulait pas, indique un témoin. Son mari est quelqu’un d’assez autoritaire, qui montrait clairement qu’il n’avait pas peur de la police et de la justice ». Ce n’était pas pour rien que Mounir était allé chercher une femme en Algérie : il la voulait docile et soumise comme au bled, dévouée à son mari et ses enfants.

Mounir Boutaa, franco-algérien de 41 ans, avait été condamné le 25 juin 2020 à Bordeaux à dix-huit mois de prison, dont neuf avec sursis, pour « violences volontaires par conjoint » en récidive, sur son épouse. Il ne ménageait pas sa femme au point que celle-ci avait trouvé le courage d’aller encore porter plainte, le 15 mars dernier, suite à une énième agression. Une semaine avant le drame, il l’avait encore brutalement attrapée devant un centre commercial, risquant de l’étrangler sans l’intervention d’un tiers. Chahinez a vécu des années dans la peur et la souffrance jusqu’à ce 4 mai, jour où Mounir, qui l’attendait devant son domicile, l’a blessée de plusieurs coups de fusil de chasse avant de l’asperger d’un liquide et de l’immoler par le feu.

Parler de féminicide, c’est passer à côté du sujet

Certains médias soulignent, depuis ce tragique 4 mai, qu’il s’agit de la « trente-neuvième victime d’un meurtre conjugal depuis le début de l’année ». D’autres, comme Franceinfo, le Huffington Post, ou encore Le Monde, préfèrent employer le terme de féminicide et relaient, sans distance, les communiqués des associations féministes rappelant leurs revendications aux Pouvoirs publics (la « Grande cause du quinquennat » Macron).

Que la lutte contre les violences conjugales constitue une cause majeure, c’est une évidence et il ne viendrait l’idée à personne de le contester. Le bât blesse, en revanche, lorsque cette cause devient le prétexte à une essentialisation que traduit sans ambiguïté la notion de féminicide. Rappelons en effet que, même minoritaires en valeur absolue, les violences conjugales et les meurtres conjugaux existent également dans les couples homosexuels et que les victimes sont aussi parfois des hommes. Les notions universelles d’homicide, d’assassinat et de meurtre sont à la fois suffisantes et nécessaires lorsqu’il s’agit d’évaluer les ressorts d’un crime dans leur variété, leur complexité et leur part de mystère. Employer le terme de féminicide, c’est réduire d’emblée et avant toute analyse les facteurs de causalité au genre de la victime, comme si le meurtre d’une conjointe ne pouvait être, quelles qu’en soient les raisons et les circonstances, qu’une sorte de « crime sexiste », et comme si le sens originel du terme homicide (venu du latin homo, humain) était lui-même dégradé.

La notion de féminicide, du moins employée à tort et à travers en dehors de cas précisément qualifiés d’assassinats par misogynie, pervertit la langue, fait injure aux mauvais génies de l’âme humaine et nie d’emblée la vaste palette de causes, structurelles et contingentes, qui peuvent conduire à un crime. Ce faisant, la pression des militants néo-féministes aidant, cette manipulation des mots oriente aussi l’opinion et la justice en suggérant l’introduction a priori de circonstances aggravantes — comme peut l’être le caractère raciste d’un crime — qui ne peuvent être pourtant reconnues que dans le cadre d’une enquête approfondie.

L’illustration est évidente s’agissant du meurtre de Chahinez. Alors que les néo-féministes réclament des moyens pour mettre plus efficacement les conjoints violents hors d’état de nuire, inciter et aider les femmes à appeler à l’aide, à porter plainte, à assumer les conséquences de leur insoumission, combien s’interrogent sur la vraie nature de l’affaire de Mérignac ?

Quand les néo-féministes militeront-elles pour que les pouvoirs publics se penchent sérieusement sur la réalité des crimes d’honneur commis dans notre pays ?

La malheureuse Chahinez a rencontré un barbare. Ce Français était allé chercher au pays une femme obéissante, confinée à la maison pour tenir le foyer et s’occuper des enfants. Cette Algérienne l’avait suivi pour trouver un meilleur confort matériel mais aussi la liberté qu’offre la France. Si l’on s’intéresse véritablement à sa fin tragique et si l’on veut sincèrement que d’autres Chahinez échappent au même sort, il faut avoir le courage de ne pas s’arrêter à la dénonciation vague d’un machisme radical et reconnaître les facteurs culturels de ce crime. La France a, à force de subir des attentats, reconnu et commencé à étudier, surveiller et traiter spécifiquement les processus de radicalisation religieuse. Il est temps, pour toutes les Chahinez présentes et à venir, qu’elle affronte aussi les problématiques de « radicalité culturelle », dès lors que celles-ci se traduisent par des comportements contraires aux droits et aux valeurs qu’elle défend.

Chahinez aurait, peut-être, pu être sauvée si les services sociaux avaient été plus vigilants, si la justice avait été moins laxiste, si, si… Peut-être aussi que d’autres échapperont à son sort quand on saura éviter que des Français raisonnent encore, à 41 ans, comme les plus arriérés du bled. Alors quand les néo-féministes militeront-elles pour que les pouvoirs publics se penchent sérieusement sur la réalité des crimes d’honneur commis dans notre pays ? Peut-être quand elles cesseront de jouer les Tartufettes chaque fois qu’un comportement sexiste présente un caractère culturel trop marqué.

Auteur : Gabriel des Moëres

Vieux gaulliste, républicain exigeant, humaniste et conservateur.

Un commentaire

  1. Bonjour,
    C’est  » un fait divers  » lit-on dans les journaux , alors qu’il s’agit d’un crime contre l’humanité ….Crime qui ( à mon avis ) a toujours existé étant caché ( j’ai connu ceci dans ma famille , la violence physique et  » morale  » régnait : mon père battait ma mère ) …. » on  » parle d’homicide , mais jamais de  » femicide  » ( le mot existe t il ? )
    F.

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