Le jour où le logiciel décolonial a déraillé

Difficile de ne pas être au courant de l’agression violemment raciste qu’un livreur noir a subie à Cergy-Pontoise l’autre soir. Le même jour ou presque, c’en est un autre, Benjamin Kingombe qui s’est vu confronté, dans le XVIe arrondissement de Paris, à des mots odieux le renvoyant, lui aussi, aussi à l’esclavage. Dans les deux cas, la scène a été filmée et partagée sur les réseaux sociaux mais le sort de la victime parisienne ne restera pas dans les anales, tant son cas est tragiquement banal. Le livreur de Cergy, lui, tient peut-être sa place dans l’histoire. Peut-être se souviendra-t-on de lui, en effet, comme celui qui fit dérailler le logiciel décolonial.

La raison est simple : l’auteur des ignobles propos tenus devant le restaurant Brasco s’est déclaré « algérien ». Il n’en fallait pas plus pour agiter la faune twittesque, l’écosystème médiatico-politique avec, au premier rang, les identitaires de toutes obédiences. Le problème, c’est en effet que cet épisode ne fait que mettre au jour une réalité à la fois immémoriale et bien contemporaine, à savoir le racisme maghrébin, jusqu’ici savamment « invisibilisé », pour reprendre la rhétorique décoloniale, afin de ne pas ébrécher la si pure théorie popularisée par les indigénistes selon laquelle il ne peut y avoir de racisme que venant des blancs.

Panique à bord

Premier réflexe dans le camp bobo bien-pensant, celui des non-concernés qu’on n’invite pas aux réunions non-mixtes mais qui soutiennent quand même la cause : la technique du « pas d’amalgame ». L’agresseur doit être recherché, poursuivi et puni mais qu’on ne se méprenne pas : il ne représente que lui-même. Aurélien Taché, dans ce registre somme toute basique et sans surprise, n’a pas manqué à son devoir de défense communautaire.

Un peu plus élaborée, on a remarqué la position de Mélusine, qui réussit le tour de force d’embarquer le « roman national » (sous-entendu français) dans les rouages qui expliqueraient la négrophobie… de qui déjà ?

Ce faisant, elle a déclenché de tels torrents de stupidité qu’on aurait pu alimenter une centrale pendant des années. Mais fallait-il attendre davantage des petits bourgeois gauchistes en pareille circonstance ?

Un timide réveil des woke ?

En porte-à-faux, le comité Adama réagit en mode semi-universel avec double salto carpé, tout en équilibre entre le caractère « négrophobe » de l’agression — qu’il fallait bien signaler — sans pour autant attiser le ressentiment inter-communautaire. Une autre triste affaire — la mort de Youssoupha, victime de trois Arméniens à Saint-Etienne pour des raisons mal connues — constituant un sujet plus confortable de mobilisation compte tenu de l’absence probable d’Arméniens parmi les soutiens du comité.

Rokhaya Diallo, pour sa part, semble perplexe. Elle retweete beaucoup depuis deux jours, sur ce sujet et d’autres, mais s’abstient d’afficher une véritable position politique sur l’agression de Cergy. Le spectre du racisme arabo-maghrébin fait même son apparition sur le fil avec le partage d’un article d’août 2020 provenant du site indépendant pro-palestinien Orient XXI sur la négrophobie arabo-berbère.

La chaîne française d’Al Jazeera AJ+ est aussi beaucoup intervenue sur cette affaire, sans nier la réalité du racisme maghrébin et même pour appuyer le doigt dessus :

Des positions sans qu’on a retrouvées exprimées sous d’autres formes, comme ici, heurtées au déni farouche de beaucoup qui ne réalisent absolument pas que leur endogamie culturelle, l’intériorisation de leur insécurité identitaire n’est que le reflet de ce que les militants décoloniaux pourraient qualifier de… racisme systémique. (Tiens donc.)

Rassurons-nous cependant : on trouve aussi des noirs pour justifier l’endogamie et mépriser les partisans de la mixité ethnique.

Bref, rien de bien nouveau sous le soleil : l’humanité reste ce qu’elle est, peuplée de quelques tristes sires toujours très doués pour trouver des raisons de détester leur voisin et des moyens pour embarquer les bonnes âmes dans leurs tristes passions. Ces caractéristiques étant universelles, elles sont assez également réparties sur la planète et il serait donc vain de ne les voir que d’un côté. Peut-être que les Wokistanais vont enfin finir par s’en apercevoir, qu’on puisse commencer à discuter ?

Auteur : Gabriel des Moëres

Vieux gaulliste, républicain exigeant, humaniste et conservateur.

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