Maya Forstater, pour un tweet jugé transphobe par ses collègues, avait été licenciée fin 2019. Plaidant la discrimination et la défense de la liberté d’expression, elle a annoncé le 10 juin dernier que la justice lui avait finalement donné raison.
« Je partage les inquiétudes de @fairplaywomen [une organisation féministe] selon lesquelles élargir radicalement la définition juridique du terme ‘femmes’ afin qu’elle puisse inclure à la fois des hommes et des femmes en fait un concept dénué de sens et sapera les droits des femmes et la protection des femmes et des filles, écrit cette Britannique de 47 ans le 2 septembre 2018 sur Twitter. La plupart des transgenres conservent leurs organes génitaux de naissance. Or si des hommes sont autorisés à entrer dans les vestiaires, les dortoirs, les prisons, les équipes sportives, les filles seront privées de facto d’intimité, de sécurité et d’équité. »
Quelques jours plus tard, Maya Forstater précise sa pensée : « Je pense que les personnes mâles ne sont pas des femmes. Je ne pense pas qu’être une femme soit une question d’identité ou de sentiments féminins. C’est de la biologie. »
Prenant connaissance de ces messages, des collègues les qualifient de « transphobes » et estiment qu’ils « mènent à l’exclusion et sont offensants pour les personnes concernées ». Dénoncée à son employeur, l’ONG américaine Centre for Global Development, ce dernier cesse de lui proposer des projets et, en décembre 2019, ne donne pas suite à l’expiration de son contrat. Maya Forstater porte alors plainte pour discrimination, estimant que ses idées « critiques sur la question du genre » non seulement n’ont pas été respectées mais ont entraîné un préjudice indu.
Saisi en référé, le tribunal du travail estime que « les idées spécifiques de la demandeuse ne représentent pas une idée philosophique protégée par la loi sur l’égalité de 2010 », qui définit notamment les motifs de discrimination au travail. En conclusion, les idées de Maya Forstater sont jugées « incompatibles avec la dignité humaine et les droits fondamentaux des autres ».
Renfort de J.K. Rowlingn et campagne de soutien
L’affaire connaît alors de nouveaux retentissements avec le renfort de J.K. Rowling, l’auteur de la saga Harry Potter, elle-même couverte d’opprobre pour avoir tenu des positions similaires : « Habillez-vous comme bon vous semble. Appelez-vous comme vous voulez. Couchez avec n’importe quel adulte consentant qui vous acceptera. Vivez votre meilleure vie dans la paix et la sécurité. Mais forcer les femmes à quitter leur travail pour avoir déclaré que la nature réelle d’un sexe ? » écrit-elle sur Twitter. Une campagne de soutien se développe sous les mots-clés #standwithMaya (« Derrière Maya »).
En appel de la décision initiale, après des mois de procédure, la justice renverse donne finalement raison à Maya Forstater. La cour d’appel souligne que seules les idées liées « au nazisme ou au totalitarisme » ne peuvent être protégées par la loi contre les discriminations. Étant donné que « les idées critiques du genre de la plaignante, largement partagées et qui ne cherchent pas à détruire les droits des personnes transsexuelles, ne tombent clairement pas dans cette catégorie », elle annule la condamnation.
« Nous avons gagné ! » Par ce tweet publié le 10 juin, Maya Forstater exprime sa joie mais aussi son soulagement. Cette Britannique de 47 ans a en effet remporté la première partie de son combat contre son ancien employeur lors d’un procès très polémique suivi avec attention au Royaume-Uni.
Les opinions de Maya Forstater sont désormais requalifiées en « idées philosophiques ». L’ex-employée a donc théoriquement le droit de contre-attaquer son employeur. Un autre tribunal compétent devra alors se charger de cette affaire.