Quatre émissions, quatre angles de vue sur un phénomène envahissant né aux États-Unis, qui s’en prend à l’histoire, à la mémoire et aux œuvres de l’esprit qui n’ont pas l’heur de plaire aux « invisibilisés », aux « racisés » et aux « dominés » : la cancel culture.
1. Comprendre la cancel culture
L’invité du Village global est Delphine Veaudor, journaliste au Courrier International. L’hebdomadaire signait la semaine dernière un grand dossier sur la « cancel culture ». Le titre ? « A-t-on encore le droit de ne pas être d’accord ? » Alors, qu’est-ce que la « cancel culture » et faut-il la craindre ?
La « cancel culture« , c’est la culture de l’effacement, de l’annulation, de l’annihilation même. Il s’agit de mettre au ban et de faire disparaître le contenu ou la personne qui dérange. Réinvention contemporaine du vieux châtiment antique de l’exil ? « Faites disparaître cet opposant que je ne saurais voir. »
Revenu des Etats-Unis et réactivé par des polémiques en rafale (déboulonnage des statues, film Mignonnes qui fait polémique aux Etats-Unis, changement de titre des Dix Petits Nègres d’Agatha Christie), la cancel culture prend d’ailleurs une dimension particulière quand l’objet de l’annulation n’est pas un objet culturel mais une personne.
Toute la question est alors de savoir : s’agit d’une tendance saine, preuve de la prise de conscience par des pans de plus en plus larges de la société d’oppressions et de violences subies de l’histoire ? Ou d’une tendance dangereuse, qui veut tout homogénéiser et tout contrôler ? « Cancel culture », faux débat ou vrai danger ?
Source : Frédéric Martel, Le Village global, France Culture, 13 septembre 2020.