Quand la Commission européenne sort son bréviaire de communication inclusive

Il y a une semaine, le journal italien Il Giornale extrayait du torrent informationnel un bien étrange document. Promu sur Twitter le 26 octobre dernier par la commissaire européenne à l’Egalité, la maltaise Helena Dalli, il s’agissait du Guide de la Commission européenne pour une communication inclusive.

Quelques jours à peine après s’être illustrée pour avoir rencontré publiquement, le 17 novembre, l’association FEMYSO (Forum of European Muslim Youth and Student Organisations), réputée liée aux Frères musulmans et aiguillon de la campagne de communication du Conseil de l’Europe sur le thème « La liberté est dans le hijab », Helena Dalli, commissaire européenne à l’Egalité, a donc récidivé dans la maladresse en laissant sortir un document titré #UnionOfEquality et destiné à proposer aux communicants, organisateurs d’événements, etc., des « lignes directrices » qui « regorgent de suggestions pour [les] aider à communiquer efficacement, avec sensibilité », et « intégrer une approche plus inclusive dans [leur] travail ».

En dix-huit pages de texte rythmé par des illustrations soigneusement choisies et des pictogrammes psychédéliques, ce guide énonce donc un certain nombre de recommandations visant à ce que chacun (et chacune, et autre) veille scrupuleusement, dans sa communication, à assurer la représentation de toutes les catégories de population pertinentes et à éviter toute offense envers quiconque en le désignant d’une manière susceptible de déformer, stigmatiser ou nier son identité, voire par le simple l’énoncé de termes susceptibles de heurter sa sensibilité.

Guide de la Commission européenne
pour une communication inclusive

Novembre 2021

Véritable bréviaire wokistanais, ce guide préconise ainsi d’éviter, dans les supports de communication de l’Union européenne, certains termes tels que :

. « Noël » car on pourrait faire de la peine aux personnes non-chrétiennes. « Evitez de supposer que tout le monde est chrétien », rappelle le guide, qui nous incite à être sensible au fait que les gens ont des traditions religieuses et des calendriers différents et que, de ce fait, il est préférable de parler des « périodes de vacances » de fin d’année (ou de « fantastique décembre », comme les commerçants de Besançon ?).
. « Marie », dans le même ordre d’idée, et plus généralement les prénoms d’origine chrétienne, doivent être remplacés par des par des équivalents plus cosmopolites. En lieu et place de « Marie et Jean sont un couple international », le texte estime ainsi préférable d’employer : « Malika et Jules sont un couple international ».
. « Colonisation », pour ne pas rappeler une époque douloureuse aux descendants d’esclaves et peut-être aussi pour ne pas risquer de potentiellement froisser des petits hommes verts (pardon : des habitants non humains de petite taille) de la planète Mars, où l’on préférera plutôt « envoyer des humains ».
. « Citoyens », lorsque l’on parle des gens en général, pour ne pas exclure les apatrides et les immigrés.
. « Europe », lorsque l’on vise en réalité l’Union européenne, afin de ne pas stigmatiser les Européens « ukrainiens, bosniaques et albanais » non membres de l’UE. Inversement, il convient de diversifier les Etats membres cités symboliquement l’usage se concentrant trop souvent sur les Etats fondateurs.

« Le dico des mots tabous de l’Union européenne »

Dans sa chronique du 3 décembre, sur le plateau de Partis pris, l’émission de David Pujadas sur LCI, Abnousse Shalmani emploie toute sa verve à démonter l’initiative de la Commission européenne :

Interrogé par le sénateur LR Philippe Pemezec lors des questions au gouvernement ce mercredi 1er décembre, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Clément Beaune a clairement réagi : « Le projet de guide qui a été diffusé publiquement par erreur hier est aberrant. Je l’ai signalé dès hier après-midi à la commissaire et à la Commission européenne ; il a d’ailleurs été retiré. Je parlerai demain avec la commissaire Dalli, car je pense que ce genre de pratiques ne peut faire que le jeu des extrêmes. »

Au final, Helena Dalli avait en effet expliqué, le 30 novembre, que son « initiative » de rédiger des recommandations « visait à atteindre un objectif important : illustrer la diversité de la culture européenne et mettre en valeur la nature inclusive de la Commission européenne envers tous les milieux et toutes les convictions des citoyens européens ». Elle a toutefois estimé que la version publiée ne répondait pas « à cet objectif de façon adéquate » et nécessitait d’être retravaillée.

Interrogé sur ce retrait et sur le caractère contraignant de ces instructions, le porte-parole de la Commission, Eric Mamer, a précisé que « ce n’était pas du tout un document qui aurait eu une quelconque valeur obligatoire [mais] des recommandations en matière de communication ».

« Nul ne sait ce qu’il restera de ce brûlot une fois qu’il aura été revu et corrigé, conclut Jack Dion dans Marianne. Qu’il soit amendé à la marge ou pas, il reste le reflet du vent de folie soufflant dans les sphères dirigeantes d’une Europe qui marche sur la tête. Dans ses formes les plus caricaturales, il peut prêter à sourire, mais ce n’est pas drôle, car il constitue d’abord et surtout une machine à fabriquer des europhobes à la pelle. »

Recommandations à suivre à tout moment

Si une partie du contenu de ces lignes directrices est destinée à donner des suggestions et à vous aider à réfléchir et à trouver votre propre style de communication inclusif, certaines règles doivent toujours être suivies lorsque vous communiquez au nom de la Commission, quelle que soit votre situation particulière ou votre position personnelle. Il s’agit notamment de :
Ne jamais utiliser par défaut des noms sexués tels que « ouvriers, policiers » ou des pronoms masculins (il, sa).
Ne pas organiser de tables rondes où un seul sexe est représenté, viser plutôt l’équilibre entre les sexes.
Dans l’utilisation d’une variété de visuels, de témoignages et d’histoires, s’assurer qu’ils reflètent la diversité dans tous ses sens.
Ne pas utiliser Mademoiselle ou Madame, sauf si c’est la préférence explicite de la personne à qui l’on s’adresse ; utiliser Madame de manière universelle.
Lorsque l’on pose des questions sur le sexe, ne pas proposer uniquement des options homme/femme, ajouter « autre » et « préfère ne pas dire ».
Ne jamais s’adresser à un public en disant « Mesdames et Messieurs », mais utiliser des expressions telles que « Chers collègues ».
Ne pas renforcer, dans sa communication visuelle ou écrite, les stéréotypes nuisibles sur le sexe, l’âge, les groupes ethniques, etc.
Ne pas utiliser le mot « citoyens » pour désigner les personnes en général.
Ne pas présumer l’orientation sexuelle de quiconque.
Lorsque l’on s’adresse à des personnes transgenres, toujours respecter leur auto-identification.
[…]
En ce qui concerne les personnes handicapées, utiliser un langage qui privilégie les personnes (« Jean Dupont a un handicap », et non « Jean Dupont est handicapé »).
[…]
Veiller à ce que ses produits de communication soient toujours conformes aux directives en matière d’accessibilité, en particulier les pages web, les fichiers PDF et les formulaires utilisés par exemple dans les consultations publiques.
Ne jamais sous-traiter jamais des produits de communication sans spécifier les exigences d’accessibilité et d’inclusion dans les termes du contrat.

Traduit de l’anglais.

Auteur : Gabriel des Moëres

Vieux gaulliste, républicain exigeant, humaniste et conservateur.

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